Concilier algorithmes et démocratie : c'est possible !

Tournesol 🌻 le bot de recommandation YouTube éthique

Mieux s’informer tout en continuant de passer des heures sur YouTube. Pour 2024, c’est la bonne résolution que nous propose l’invité de la semaine, un drôle de professeur Tournesol. En plus, il paraît que c’est bon pour la démocratie. Mais que demande le peuple !

🎙️ Média’Talk : On reçoit Lê Nguyên Hoang, président de l’association Tournesol, mathématicien et vulgarisateur scientifique sur YouTube, au sujet de Tournesol, un algorithme de recommandation qui se veut démocratique.

🤖 IA quoi ? : LHC, un magazine exclusivement nourri par l’IA.

🌍 Vu d’ailleurs : Warner et Paramount vers une Ă©ventuelle fusion, Meta continue de bloquer les contenus des Ă©diteurs canadiens et un projet de loi fortement critiquĂ© en Inde sur les tĂ©lĂ©communications.

đź“Š Infographix : TF1 veut se rĂ©inventer après l’échec de la fusion avec M6.

« Les IA de recommandation des rĂ©seaux sociaux n’ont pas Ă©tĂ© conçues pour ĂŞtre en accord avec nos dĂ©mocraties Â»

Depuis trois ans, l’association Tournesol travaille sur un bot de recommandation YouTube collaboratif et éthique. Son président, Lê Nguyên Hoang, plus connu sur Internet pour sa chaîne YouTube « Science4All », nous présente les résultats de cette expérience et dresse un constat sur les liens entre algorithmes et démocratie.

Comment fonctionne Tournesol ?

Tournesol, c’est une IA de recommandation YouTube nourrie de manière participative. L’objectif est que le contenu recommandé soit d’utilité publique. On demande aux contributeurs de voter pour des vidéos selon certains critères, comme la fiabilité des informations, la qualité pédagogique ou l’importance du sujet.

Ensuite, Tournesol prend la forme d’une extension de votre navigateur internet, qui vous propose dès que vous ouvrez YouTube quatre vidéos. Nous avons toujours besoin de contributeurs, j’invite d’ailleurs vos lecteurs à aller noter des vidéos sur notre site s’ils le souhaitent.

Pourquoi privilégier YouTube ?

Tournesol, c’est avant tout un projet de recherche. L’avantage de YouTube est que les vidéos sont plus longues et plus durables avec le temps, par rapport au côté instantané de X (anciennement Twitter) ou TikTok. Ça nous permet de moins se disperser et de récolter de meilleures données.

Vous qualifiez les algorithmes de recommandation d’intelligences artificielles (IA). Pourquoi ?

Car c’est une erreur de penser que les algorithmes des réseaux sociaux sont moins sophistiqués que des IA comme ChatGPT. Ces algorithmes sont des intelligences artificielles qui essayent de faire du profilage psychologique pour capter votre attention, vous comprendre et faire de l’argent sur les données récoltées.

Comme pour ChatGPT, impossible de savoir précisément comment ces programmes informatiques sont nourris et pourquoi ils vous proposent tel ou tel contenu. Et c’est là où il y a un problème de gouvernance. Les IA de recommandation des réseaux sociaux n’ont pas été conçues pour être en accord avec nos démocraties, mais pour servir des intérêts privés.

Quels sont les outils dont dispose la France pour réguler ces algorithmes ?

La France et l’Union européenne ont de nombreuses lois qui ont le potentiel d’encadrer efficacement l’usage des IA. Notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) ou plus récemment le Règlement européen sur les services numériques (DSA).

En revanche, il y a un problème de gouvernance sur l’application de la loi face au caractère opaque de ces IA génératives. Un bon moyen de s’emparer de cette question serait de regarder la taille des IA. Des modèles plus réduits permettraient au régulateur de faire face à des systèmes plus conformes à la loi et plus sécurisés pour les citoyens.

Comment l’algorithme de Tournesol envisage ce souci de démocratie ?

On veut être très transparents, toute notre méthodologie est en accès libre sur Internet. On construit Tournesol petit à petit, en s’inspirant de systèmes à la base de nos démocraties. Par exemple, pour le suffrage universel ou la liberté de la presse, il a fallu tout le XIXe siècle de galop politique pour que ces notions s’accordent à un régime démocratique stable.

Donc on expérimente, surtout pour le vote. Sur Internet, on ne peut pas accorder le même poids à chacun. Sinon il suffit d’une armée de faux comptes pour fausser les résultats, on le voit beaucoup sur Twitter. On privilégie donc les comptes vérifiés.

Quels autres comportements observez-vous ?

Il y a deux profils types qu’on a vu Ă©merger. On les a surnommĂ©s avec second degrĂ© les « parisiens Â» et les « marseillais Â». Vous voyez, quand on vote sur Tournesol, le contributeur doit aussi indiquer Ă  quel point il recommande une vidĂ©o.

Les « parisiens Â» auront tendance Ă  ĂŞtre pessimistes et noter de manière très nĂ©gative. Ensuite les « marseillais Â», eux sont dans l’exagĂ©ration permanente. Soit ils recommandent Ă  fond, soit ils dĂ©testent. Tournesol est comme un microscope sur ces comportements humains, pour comprendre comment un algorithme doit les prendre en compte pour arriver Ă  un rĂ©sultat positif pour nos dĂ©mocraties.

Propos recueillis par Josué Toubin-Perre

 LHC : un magazine exclusivement nourri par l’IA 

L’IA remplace-t-elle déjà les journalistes ? La réponse semble être « oui » avec « Les Heures Claires », LHC, un magazine alimenté à 99% par l'intelligence artificielle. Créé par Rémi Rostan en octobre dernier, LHC se veut être « une introduction à un monde où la technologie et l’art de vivre fusionnent. » Pensé dans « un esprit novateur », LHC vise à « distribuer un périodique unique en son genre » d’après le propriétaire du magazine qu’il espère voir dans les kiosques en 2024.

LHC comporte plusieurs rubriques classiques comme la mode, l’horoscope et une rubrique juridique qui aborde des sujets d’actualités comme les questions liées au droit d’auteur dans le contexte IA, un sujet évoqué lors de l’inauguration de ladite rubrique par Aurore Sauviat, spécialiste des propriétés intellectuelles.

Les premiers pas de LHC avec l’IA

Trois Ă©ditions du magazine ont Ă©tĂ© mises en ligne en octobre, novembre, et dĂ©cembre dernier. Ă€ travers ces trois premières Ă©ditions, RĂ©mi Rostan affirme avoir explorĂ© le potentiel « infini » de l’IA. Il considère ces numĂ©ros comme des « prĂ©ludes », parce qu’ils « reflètent son parcours d’expĂ©rimentation, de test et d’amĂ©lioration continue. »

Le magazine a dĂ©jĂ  fait ses premiers pas dans des Ă©vĂ©nements tels que l'AIM organisĂ© par « La Tribune Â» au VĂ©lodrome de Marseille et au Comptoir IA Ă  Paris. Le magazine s’est appuyĂ© sur des sponsors et a pu imprimer 200 exemplaires du numĂ©ro de novembre.

Le défi de l’interview en IA

Une interview menée par l’IA, Rémi Rostan l’a expérimentée dans son magazine « LHC - Les Heures Claires », sorti en version web et papier cet automne.

Le propriétaire du magazine explique le long processus avant d’arriver à une version qui lui convient. « Quand des passages ne sont pas top, je lui demande de reformuler, ou de réécrire. C’est un processus qui doit prendre pas mal d’heures pour essayer d’éviter des textes plats. Il faut parfois une journée complète pour avoir la réponse que l’on souhaite. »

En plus d’aborder et de s’intĂ©resser aux enjeux de l’intelligence artificielle, comme par exemple la manière dont la station d’hiver de Val Thorens façonne ses campagnes de publicitĂ© avec l’IA, « Les Heures Claires » intègrent aussi des recettes de cuisine, gĂ©nĂ©rĂ©es, bien sĂ»r, par l’IA.

Écrit par Khadidiatou Goro
  • Vers la naissance d’un super gĂ©ant des mĂ©dias aux Etats-Unis ?

Coup de tonnerre ! Les deux géants américains Warner Bros Discovery et Paramount Global discutent d’une possible fusion, selon les informations d’Axios, confirmées par le Wall Street Journal. Le 19 décembre dernier, les patrons des deux mastodontes du secteur, David Zaslav pour Warner et Bob Bakish pour Paramount, se sont vus à New York. Le but ? Contrer la puissance de Netflix et le déclin des chaînes traditionnelles. La concentration de ces deux géants verrait l’émergence d’un groupe d’une extrême puissance. Warner représente 28 milliards en bourse, 10 milliards du côté de Paramount. Conséquences potentielles : leurs chaînes de télévision par câble (comme MTV et Nickelodeon, détenues par Paramount) pourraient négocier de meilleurs contrats avec les opérateurs. Certaines activités seraient regroupées, puisque CNN (groupe Warner) et CBS (groupe Paramount) sont complémentaires et ont des journalistes en commun. Mais il y a un risque selon les investisseurs : le poids de leurs dettes, qui serait alourdi. Aux Etats-Unis, la concentration est la tendance de ces dernières années. En 2021, WarnerMedia a fusionné avec le groupe Discovery, qui possède Eurosport.

  • Entre Meta et les mĂ©dias canadiens, la guerre continue mais… les lecteurs s’adaptent :

Depuis le 1er août 2023, Meta rend invisible les contenus des médias canadiens diffusés sur Facebook et Instagram. Pourquoi ? Le Parlement a adopté le 22 juin dernier une loi visant à contraindre les géants du web à négocier avec les éditeurs des accords financiers. La décision de Meta est une catastrophe économique pour les médias canadiens. Mais… tout n’est pas à jeter. En effet, depuis le blocage, les lecteurs, notamment québécois, ont changé leurs habitudes, rapporte une étude de l’université Laval de Québec, relatée par Le Figaro : 61 % des 18-24 ans et 29 % des adultes consomment l’information différemment. 4 % des adultes n’utilisent plus les réseaux sociaux pour s’informer. Les éditeurs ont observé un gain de 4 % du côté des sites web. Une (petite) révolution qui montre que les médias peuvent (relativement) contourner leur dépendance aux GAFAM.

  • En Inde, le gouvernement pourrait prendre le contrĂ´le des tĂ©lĂ©communications :

Le 20 décembre 2023, la chambre basse du Parlement indien a adopté le projet de loi sur les télécommunications. Le texte vise à réformer le secteur, développer les infrastructures et modifier le cadre réglementaire. Trois lois déjà existantes sont remplacées. Mais le texte a son lot de critiques, notamment sur un point : le gouvernement pourrait prendre contrôle des télécommunications « en cas d’urgence ». Le gouvernement indien pourrait ainsi interrompre les transmissions, lire ou intercepter des messages, « s'il est convaincu qu'il est nécessaire ou opportun de le faire », précise le projet. Un groupe d’experts internationaux dans la protection de la vie privée a déjà demandé la suppression de ce projet de loi. Une décision très controversée de plus pour le gouvernement du nationaliste Narendra Modi. La chambre haute doit encore voter.

Écrit par Thibault Linard
Infographie réalisée par Christian Mouly

Et pour finir…

Tout le monde adore les graphiques qui s’animent, avec des couleurs pĂ©tantes qui changent… Ça doit rĂ©veiller notre cĂ´tĂ© enfantin. Alors cette semaine on vous recommande cet article de Reuters graphics, qui revient sur l’annĂ©e climatique 2023 dans une explosion de couleurs. Absolument magnifique.