Créer son média indépendant, c'est possible !

Attention, notre invitée nous explique les erreurs à éviter 🛑

La Média’Tech est d’humeur printanière ! Même si les beaux jours reviennent, nous n’irons pas nous baigner dans la Seine. A la place, on se plonge dans la création. De la création de médias à la création de textes, on s’interroge et on s’intéresse à cette humeur innovatrice. Puissent les médias fleurir comme les bourgeons au printemps. Bonne lecture !

🎙️Média’Talk : On reçoit Marine Doux, cofondatrice de Médianes et autrice du manuel Créer un média.

🤖 IA quoi ? : Le Financial Times déploie son chatbot gonflé à l’IA

🌎 Vu d’ailleurs : Le retour du mythique magazine Life, les leaders de la tech fâchés avec les médias traditionnels et BuzzFeed racheté par The Independent au Royaume-Uni

📊 Infographix : Les “newsmags” français en crise ?

« Tous les journalistes ne sont pas confrontés à Bolloré au quotidien. Mais on est tous confrontés au marché, qu’on le veuille ou non. »

La Média’Tech reçoit Marine Doux, cofondatrice de Médianes, une association à but non-lucratif qui accompagne la création de médias indépendants. Elle vient nous parler de Créer un média, un manuel pratique nourri des trois ans d’expérience de Médianes aux côtés de fondateurs et fondatrices de médias.

Pourquoi écrire ce livre ?

Pour chaque création de média se posent les mêmes problèmes. C’est notre constat après trois ans d’expérience, on s’est donc dit qu’il serait génial d’avoir un outil qui permette de gagner du temps. Même pour nous c’est utile : les personnes qui viennent nous voir pour demander conseil arrivent plus préparées. Médianes, c’est avant tout un projet associatif et non lucratif qui veut faire émerger des médias différents et indépendants. On publie des fiches pratiques en ligne gratuites pour que chacun y ait accès. Mais un livre a un aspect plus complet et concret.

Quel public ciblez-vous ?

On veut s’adresser à des journalistes qui n’ont pas de profil marketing mais qui ont de l’intuition. Dans les médias, ce sont eux qui sont la force de proposition éditoriale. Mais ils sont souvent contraints par d’autres services, marketing ou communication, qui vont leur dire que leurs idées de nouveaux formats ne sont pas réalistes. Tous les journalistes ne sont pas confrontés à Bolloré au quotidien. Mais on est tous confrontés au marché, qu’on le veuille ou non. Si on n’est pas un minimum armé en vocabulaire et en codes marketing, on se fait marcher dessus et c’est impossible de créer un média ou simplement de proposer un nouveau format dans une rédaction traditionnelle.

Le conseil le plus important selon vous pour créer un média ?

Occupez-vous dès le début du bien-être dans la rédaction. Quand des journalistes créent un média, leur dernier souci c’est le management. Ils se disent « Je verrai ça quand j’aurai de l’argent ». Beaucoup de projets s’effondrent ou ne vont pas bien à cause de l’idée selon laquelle le journalisme est un métier passion pour lequel on doit se sacrifier. Dans les rédactions, comme dans les écoles de journalisme, le problème est encore trop présent. Ça crée des effets de boucle avec des situations où on ne sait plus dire non. Donc bien fixer les limites, payer décemment les journalistes et soi-même si on fonde un média, c’est la meilleure manière de le rendre durable.

Pouvez-vous nous raconter des “ratés” de médias que vous accompagnez ?

Il y a trois ans, Vert le média a essayé un format YouTube en plateau hebdomadaire très produit. Ça n’apportait rien à leur concept de base de newsletter. C’était intenable tant au niveau marketing qu’économique. Aujourd’hui, leur compte Instagram marche très bien, et ils sont en train de construire un projet pour un format journalistique sur les réseaux sociaux.

On a lancé un podcast, Chemins, qui raconte ce type d’essais. Les journalistes viennent y détailler le quotidien de la création d’un média, ce côté artisanal qu’affrontent même les titres les plus installés.

Dans le livre, le modèle publicitaire est souvent décrié. Pourquoi pose-t-il problème selon vous ?

C’est le modèle le plus courant de financement des médias. Mais il est en crise, et pour nous il pose des problèmes d’indépendance. Ça peut rester une source de revenus bien sûr. Mais de notre expérience pour créer un média différent d’autres modèles existent. Les dons ça marche ! Par exemple, on accompagne La Disparition, qui propose un format épistolaire. Les abonnés et donateurs qui reçoivent ce média dans leur boîte aux lettres ont créé un rapport spécial à ce format particulier, qui crée de la confiance entre le lecteur et les journalistes.

Ces dernières années, on assiste à une vague de création de médias indépendants en France. Quel rôle comptez-vous prendre dans ce mouvement ?

Nous voulons mettre de l’énergie dans des médias dans lesquels on croit. Qui parlent d’écologie, de féminisme, des médias alternatifs et indépendants qui n’existaient pas il y a quelques années. Sauf un peu sur Instagram mais sans modèle économique clair. Prenez La Déferlante par exemple, je suis très fière de les accompagner parce que c’est un média que j’aurais rêvé de lire.

Aujourd’hui, il commence à y avoir un vrai maillage de ces médias indépendants. Notre but est qu’ils créent des liens entre eux, pour qu’à terme ils n’aient plus besoin de nous pour les conseiller.

Propos recueillis par Josué Toubin-Perre

Le Financial Times déploie son chatbot pour informer et interagir avec les lecteurs

« Ask Financial Times », le nouveau chatbot IA du journal britannique The Financial Times voit le jour. La nouvelle IA a pour mission de répondre aux questions des abonnés. Le Financial Times, considéré comme le quotidien économique de référence en Europe, se concentre sur les actualités, les analyses et les événements dans les domaines des affaires, de la finance, de l'économie.

En quoi consiste le nouveau chatbot lancé par le Financial Times ?

Basé sur l’historique du journal des deux dernières décennies, le chatbot utilise le traitement automatique du langage naturel, ce qui permet à la machine de comprendre et répondre à des données textuelles ou vocales. S’ajoute à cela la fiabilité des réponses qu’il donne aux lecteurs. « Ask Financial Times », en plus des contenus d’archives, se sert également des actualités pour apporter des réponses aux interrogations posées. Par exemple, une requête concernant la direction de Microsoft a été traitée avec précision. Elle s’appuyait sur les informations les plus récentes, en particulier l’embauche de Mustafa Suleyman à la tête de la nouvelle division d’intelligence artificielle en tant que vice-président exécutif et PDG de Microsoft AI. Et pour mieux orienter et gagner davantage la confiance de son public, le robot référence des articles spécifiques. Mais certaines réponses ont révélé des incohérences durant les phases de test, soulignant l'importance d'affiner le système.

Qui peut utiliser ce chatbot ?

L'accès au chatbot est pour l'instant restreint aux abonnés FT Professional. Le robot est toujours en phase expérimentale et l'entreprise s'engage à continuer l'évolution et l'optimisation de cette technologie pour répondre au mieux aux attentes de ses utilisateurs.

Il y a tout juste un an naissait aussi Bloomberg GPT, le chatbot du groupe financier américain Bloomberg. Il partage des points communs avec celui du média britannique : les deux livrent à leur public des réponses en langage naturel mais tirent aussi leurs données de leurs archives respectives. Cependant, l’IA conversationnelle du journal américain forme la moitié de ses réponses dans ses propres archives et l'autre moitié est formée grâce à l’ensemble des données à usage général.

Écrit par Khadidiatou Goro
  • Le retour d’un magazine mythique : Life relancé par la mannequin Karlie Kloss

Le défi est immense. La mannequin et femme d’affaire Karlie Kloss a annoncé le 28 mars que sa société Bedford Media allait relancer Life, temple du photoreportage tombé en désuétude. Voilà plusieurs décennies que personne ne parvenait à redonner vie au magazine vieux de 150 ans, qui en a inspiré tant d’autres, Paris Match en tête. Sans parution régulière depuis 2008, le titre a aujourd’hui des airs de collection d’archives. Pour dépoussiérer la marque, Kloss veut faire de Life un média multisupport capable de « rassembler tous les publics ». Toujours avec comme pilier la version papier, qui pourrait être lancée en trimestriel dès 2025. Son modèle économique ? Rien n’est décidé, mais une chose est sûre : Bedford pourra s’appuyer sur les publicitaires du luxe et le brand content qui font la réussite de i-D et W, deux magazines de mode que la société a repris ces dernières années.

  • Les leaders de la Tech boudent les médias traditionnels et se tournent vers les podcasts

Un entretien fleuve dans la presse ? Une interview exclusive à la télé ? Non, c’est sur la chaîne du podcasteur Fridman que Sam Altman a décidé le mois dernier de présenter Sora, l’outil vidéo d’Open AI. Ici, pas de questions qui fâchent, le PDG déroule son propos et ce, pendant plusieurs heures. Son hôte qualifie même Sora et GPT-4 d’« incroyables ». De quoi donner envie d’y retourner : Elon Musk a accordé quatre interviews à Fridman. Une façon de maîtriser sa communication, sans passer par les intermédiaires médiatiques. Bill Gates est allé plus loin : le PDG de Microsoft a lancé son propre podcast l’été dernier. L’épisode 6 est une interview de… Sam Altman.

  • En grande difficulté, BuzzFeed va être racheté par le quotidien The Independent au Royaume-Uni

« Former le plus grand réseau de publications pour la génération Z et les millénials », c’est la promesse de The Independent en rachetant la version british de BuzzFeed. Le quotidien, sixième site d’informations en Grande-Bretagne, s’empare aussi du HuffPost et de Tasty. Si la marque BuzzFeed conserve son propre site, ce rachat marque la fin d’une époque, celle des titres incisifs et des listes de gifs qui ont inondé les réseaux sociaux pendant plus de dix ans. Le site a bien tenté de faire du journalisme « sérieux ». Un succès éditorial récompensé par un Pulitzer en 2021, mais aussi un échec économique : le groupe a dû fermer BuzzFeed News et supprimer 15% de ses effectifs l’année dernière. Comme Vice, il n’a pas résisté à l’érosion des recettes publicitaires en ligne. Charge à The Independent de relancer la machine et surfer sur ses bons résultats : le journal est rentable depuis cinq ans.

Écrit par Christian Mouly
Infographie réalisée par Thibault Linard

Et pour finir…

Le prix du processus de recrutement le plus malin est décerné à… Canal+. Pour trouver son nouveau commentateur de football, la chaîne a lancé mercredi dernier son émission “Au Micro”.

Au programme : une série d’épreuves en forme de casting pour trente candidats passionnés mais sans expérience. Une belle opération marketing alors que la chaîne récupère « l’intégralité » des droits de la Ligue des Champions et des deux autres coupes d’Europe à la rentrée prochaine.