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đ±Faut-il rapatrier les TikTok sur les pages dâaccueil ?
Cette semaine, LeÌa Desrayaud nous parle d'infographie. On revient aussi sur les tendances de consommation dâinformations numeÌriques, sur une IA qui preÌdite la meÌteÌo ou encore sur le nouvel habillage de franceinfo.
Pour sâinformer en ligne, la majoritĂ© des utilisateurs consulte leur tĂ©lĂ©phone. Au cĆur de cette tendance, on retrouve la vidĂ©o verticale, portĂ©e par des plateformes comme Snapchat, Instagram ou TikTok. Aujourdâhui, plusieurs mĂ©dias traditionnels commencent Ă intĂ©grer ces vidĂ©os sur leurs propres sites et applications.
Certains les incorporent « naturellement » entre et dans leurs articles, comme le New York Times. Dâautres leur consacrent un carrousel bien en vue sur leur site, comme franceinfo et The Economist. Plus important que le carrousel, certains journaux du groupe Rossel ont mis en place un onglet dĂ©diĂ© au scrolling. Câest le cas de la version mobile du site de 20 Minutes, mais aussi de celui de lâUnion, qui y diffuse des vidĂ©os estampillĂ©es lâUnion, lâArdennais et⊠20 Minutes. CĂŽtĂ© tĂ©lĂ©, lâapplication de BFMTV propose une version de son direct adaptĂ©e au format vertical.
DerriĂšre cette tendance, deux dĂ©marches se dĂ©gagent dans lâanalyse du Nieman Lab sur les mĂ©dias anglophones concernĂ©s. Pour le New York Times, il sâagit davantage de suivre lâĂ©volution des usages et des nouvelles maniĂšres dâaccompagner les rĂ©cits. Pour The Economist, lâobjectif est plutĂŽt de rapatrier les audiences des vidĂ©os virales sur leur site et leur application. Cette deuxiĂšme stratĂ©gie interroge : le public troquera-t-il TikTok pour lâapplication de The Economist ?
Journaliste infographiste ou l'art de mettre en scĂšne l'information
LĂ©a Desrayaud est cheffe de lâinfographie chez Epsiloon. DiplĂŽmĂ©e de lâĂcole de journalisme de Grenoble en 2015, elle a fait ses armes Ă LibĂ©ration, Le Monde, Reuters ou encore Sciences et Vie. Elle nous raconte les coulisses de son mĂ©tier ainsi que sa vision dâun journalisme Ă la fois visuel et percutant.
Vous ĂȘtes journaliste infographiste, quâest-ce que ce mĂ©tier implique exactement ?
On peut dire quâil y a deux grandes parties. Tout dâabord, la recherche de donnĂ©es, quâon pourrait appeler du datajournalisme : le fait dâutiliser des statistiques et des mesures pour parler dâun sujet. Cela nĂ©cessite de ne pas avoir peur des chiffres, de pouvoir les analyser et les comprendre. Ensuite, lâautre partie, câest la mise en scĂšne de ces donnĂ©es et informations pour rĂ©aliser lâinfographie. Câest un travail âessais erreursâ : je cherche des donnĂ©es, je les compile, jâessaie de les mettre en scĂšne et jâanalyse le rĂ©sultat. Ce sont des allers-retours constants entre les donnĂ©es choisies et leur mise en forme.
Mais cela dĂ©pend beaucoup de la structure dans laquelle on travaille, notamment de sa taille. Au Monde ou Ă LibĂ©ration, ce nâest pas du tout la mĂȘme chose quâĂ Epsiloon. Tout est plus codifiĂ©, structurĂ© et chartĂ©. Par exemple, au Monde, lâinfographie se fait en binĂŽme : un journaliste ou chercheur travaille avec un graphiste ou cartographe. Les compĂ©tences ne sâentrecroisent pas comme Ă Epsiloon, oĂč je fais Ă la fois la recherche et la rĂ©alisation.
Quelles sont les étapes pour réaliser une infographie ?
Comme pour nâimporte quel sujet, je commence par faire des recherches, plonger dans le sujet et souvent appeler des personnes pour comprendre. Ensuite, je compare les sources pour dĂ©terminer lesquelles sont fiables. Il faut se questionner sur ce qui est intĂ©ressant, nouveau et surprenant. Jâessaie de me dire : est-ce que cela marcherait en infographie ? Certains sujets sont des âfausses bonnes idĂ©esâ, par exemple des rĂ©sultats de sondages. Lâinfographie, ce nâest pas juste de voir des donnĂ©es : câest les analyser, les comparer et en tirer des conclusions.
Une fois que jâai une idĂ©e de sujet, je la propose Ă la rĂ©daction. Comme on le ferait pour un autre format, je propose une infographie lĂ oĂč mes collĂšgues proposent des reportages ou des interviews. Je vends mon sujet. Sâil est validĂ©, je commence Ă travailler sur la forme, qui demande une deuxiĂšme validation. La directrice artistique dâEpsiloon valide la mise en scĂšne et me donne des conseils : âIl faudrait que cela soit plus gros, plus petit⊠on ne lit pas dans ce sensâŠâ. Ensuite, jâessaye de produire lâinfographie, je vois ce que cela donne et jâajuste.
Câest lĂ que les essais erreurs sont nombreux, notamment sur les couleurs. Il y a beaucoup de rĂšgles, on ne sâen rend pas compte. Par exemple, le vert est perçu comme positif et le rouge comme nĂ©gatif. Si jâinverse ce code couleur, je crĂ©e une distorsion pour le lecteur. Jâessaie aussi de rendre lâinfographie accessible et de me dĂ©tacher des stĂ©rĂ©otypes sans nuire Ă la comprĂ©hension. Historiquement, le rose reprĂ©sente les filles et le bleu, les garçons. Si je dĂ©cide dâinverser, cela devient impossible Ă lire pour le lecteur. Par contre, je peux utiliser dâautres couleurs, comme le jaune pour les filles et le vert pour les garçons.
Croquis de travail et infographie finale publiée dans Epsiloon (numéro 43, en kiosque le 24/12) - Léa Desrayaud/Epsiloon
âLâinfographie nâest plus perçue comme quelque chose de scolaire. On observe un regain dâintĂ©rĂȘt : les gens lâaiment Ă nouveau.â
Vous travaillez beaucoup sur des sujets complexes et scientifiques. Quelles sont les clés pour bien vulgariser ce genre de contenu ?
Je nâessaie pas vraiment de vulgariser, car je nâaime pas ce mot, que je trouve nĂ©gatif. On a l'impression que c'est quelque chose pour les âintelligentsâ qu'il faut rĂ©Ă©crire pour les gens un peu âbĂȘtesâ. Pour moi, toutes les informations nĂ©cessitent une analyse, que ce soit pour faire un reportage ou pour interviewer la bonne personne. Câest aussi poser les bonnes questions, connaĂźtre son lecteur et savoir ce qui va lâintĂ©resser.
La vulgarisation ne doit pas se voir. Si câest le cas, câest quâelle a Ă©tĂ© âmal faiteâ. Je nâai pas de spĂ©cialitĂ© scientifique, je viens de la presse gĂ©nĂ©raliste, mais je nâai pas peur des sciences ou des chiffres. Cela joue beaucoup. Quand les gens disent quâils ne comprennent pas la science, câest souvent davantage une apprĂ©hension quâune vĂ©ritable incomprĂ©hension. Si je ne comprends pas quelque chose, je relis et, en dernier recours, je contacte le chercheur.
Ă Epsiloon, on ne parle pas de science pour parler de science. On parle du monde via les outils que peut offrir la science. En infographie, jâessaie de traduire ce que jâai appris, ce qui mâa intĂ©ressĂ©e, Ă©mue ou mĂȘme attristĂ©e.
Justement, y a-t-il un projet qui vous a particuliÚrement marqué récemment ?
Dans le hors-sĂ©rie sorti le 18 dĂ©cembre sur le thĂšme de lâeau, il y a dix pages dâinfographie pure. On est trĂšs contents du rĂ©sultat et fiers de ce quâon a rĂ©alisĂ© ! La rĂ©daction mâa proposĂ© de rĂ©aliser dix pages complĂštes dâinfographies, ce que jâai trouvĂ© super ! Chaque sujet occupe une double page, ce qui mâa permis de prendre de la place visuellement.
Par exemple, sur la rĂ©partition de lâeau sur Terre par rapport aux hommes, jâai pu rĂ©aliser une grande carte tout en ayant la place de mettre des textes explicatifs. On a pu Ă©galement reprĂ©senter lâeau nĂ©cessaire Ă la production de diffĂ©rents biens ou objets de maniĂšre trĂšs visuelle, avec des ronds de diffĂ©rentes tailles. MĂȘme si on avait dĂ©jĂ fait des papiers entiĂšrement en infographie, câĂ©tait la premiĂšre fois quâon en faisait dix pages. Visuellement, je trouve le rĂ©sultat rĂ©ussi. Câest assez exceptionnel, je ne connais pas beaucoup de mĂ©dias qui font cela. Ă Epsiloon, lâinfographie occupe vraiment une place inĂ©dite, et câest enthousiasmant.
Infographie sur la rĂ©partition et lâutilisation de lâeau dans le monde (hors sĂ©rie publiĂ© le 18 dĂ©cembre) - LĂ©a Desrayaud/Epsiloon
Selon vous, quel avenir y a-t-il pour lâinfographie dans les mĂ©dias ?
Je pense que lâinfographie a pris une autre dimension, elle nâest plus perçue comme quelque chose de scolaire. On observe un regain dâintĂ©rĂȘt : les gens lâaiment Ă nouveau. Il y a un Ă©norme potentiel et beaucoup de choses Ă faire. Mais câest plus global. Je pense que le journalisme est en train de sortir de ses formats classiques : on ne se limite plus Ă un magazine ou un site fermĂ©. Les gens cherchent des informations sur les rĂ©seaux sociaux et ailleurs. Câest une opportunitĂ© pour les journalistes et lâinfographie.
Depuis septembre 2024, nous avons un partenariat avec la CitĂ© des sciences pour concevoir des panneaux dâexposition de quatre mĂštres sur trois. Le premier traite des records sportifs, et le deuxiĂšme, exposĂ© jusquâen mars 2025, est un âcasse-tĂȘte des pesticidesâ. Je me suis inspirĂ©e de lâinfographie de la rubrique Labyrinthe du magazine. CâĂ©tait la premiĂšre fois que je travaillais sur un support aussi gigantesque. Cela ouvre le champ des possibles : informer les citoyens par dâautres biais.
đ Le lien ici
Le dilemme de Charles Villa
"Ăa fait longtemps que je devais faire cette vidĂ©oâ. Tel est le titre de la publication de Charles Villa, dans laquelle il fait le point sur le financement de sa chaĂźne YouTube. Le journaliste et grand reporter du mĂ©dia en ligne Brut y fait part de ses rĂ©ticences Ă incarner des placements de produits. Il sâappuie notamment sur la charte de dĂ©ontologie des journalistes, qui stipule : "n'accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs". Les partenariats Ă©tant une part majeure des financements sur YouTube, Charles Villa a dĂ©cidĂ© dâouvrir un Patreon il y a quelques mois, une plateforme qui lui permet de recevoir des dons de ses abonnĂ©s.
Mais alors, quelle autre alternative ? Il propose d'introduire des coupures publicitaires, similaires aux Ă©crans publicitaires de la tĂ©lĂ©vision, dĂ©diĂ©es aux placements de produits. Une façon, peut-ĂȘtre, de mieux sĂ©parer les rĂŽles dâinfluenceur et de journaliste, souvent perçus comme trop proches, voire incompatibles.
The Guardian fait les comptes
Le quotidien britannique a rĂ©duit ses Ă©missions de gaz Ă effet de serre de 43 % depuis 2020. Câest ce qui ressort du bilan prĂ©sentĂ© par Julie Richards, la responsable du dĂ©veloppement durable du journal. Il y a cinq ans, The Guardian sâĂ©tait engagĂ© à « jouer un rĂŽle, Ă la fois dans [son] journalisme et dans [sa] propre organisation, pour rĂ©pondre Ă lâurgence climatique ». Le journal estime Ă©galement avoir « rĂ©duit de prĂšs de 50 % ses Ă©missions issues de ses activitĂ©s dâimpression » en comparaison avec celles de 2020.
Dans cet objectif, le journal avait annoncĂ© en 2019 quâil changerait son vocabulaire sur le climat et lâenvironnement. Ainsi, dans ses colonnes, vous lisez dĂ©sormais « urgence climatique » au lieu de « changement climatique », « vie sauvage » Ă la place de « biodiversitĂ© » ou encore « nĂ©gateur de la science climatique » qui remplace « climatosceptique ».
La chaĂźne franceinfo sâoffre un relifting
Câest un peu NoĂ«l avant lâheure pour la chaĂźne franceinfo. Des cartouches aux bords arrondis, un bandeau noir, des couleurs modernisĂ©es et de nouveaux gĂ©nĂ©riques⊠Depuis le 13 dĂ©cembre, la chaĂźne du canal 27 de la TNT fait peau neuve. Lâobjectif : uniformiser les habillages des grands rendez-vous dâinformation du groupe France TĂ©lĂ©visions. Pour ce projet, la chaĂźne a fait appel Ă lâagence de design GĂ©dĂ©on, qui avait dĂ©jĂ conçu le nouvel habillage des JT de France 2 en 2023.
La chaĂźne d'information en continu promet de « laisser plus de place Ă lâimage » pour « mieux hiĂ©rarchiser lâinformation et la sĂ©quencer de maniĂšre plus fluide ». ConcrĂštement, ce sont les deux points jaunes du logo qui servent de base Ă lâanimation des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments. Franceinfo nâavait pas changĂ© son habillage depuis sa crĂ©ation en 2016. Celui-ci avait alors Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par lâagence Movement pour la modique somme de 500 000 âŹ.