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🎼Le jeu vidéo et la presse, une histoire mouvementée

On parle aussi d'actualité régionale en ligne avec Alexane Drolet, journaliste vidéo à Radio-Canada Québec, et avec l'initiative locale de The Conversation aux Etats-Unis. Au sujet de la nouvelle présidence américaine, Vox aurait peut-être trouvé la solution à la fatigue informationnelle, quand en même temps se lancent des média dédié à couvrir Elon Musk. Côté IA, on parle des partenariats entre Ouest-France et le CNRS, et entre l'AFP et Mistral.

Rubrique : L'édito

Une solution Ă  la fatigue informationnelle chez Vox ?

Une newsletter quotidienne pour parler du nouveau gouvernement Trump, sans parler de Donald Trump ? C’est la promesse du mĂ©dia amĂ©ricain Vox, qui a lancĂ© The Logoff (« La DĂ©connexion ») le 20 janvier dernier. L’idĂ©e ? « Vous aider Ă  vous informer sur l’administration Trump sans laisser les actualitĂ©s politiques s’emparer de votre vie », explique au Nieman Lab l’auteur de cette initiative, Patrick Reis, rĂ©dacteur en chef de la rubrique politique de Vox.

D’aussi loin que je me souvienne, c’est la premiĂšre offre Ă©ditoriale créée en rĂ©ponse Ă  la fatigue informationnelle que j’ai jamais vue. Est-ce que c’est une victoire ? Non. Mais c’est une sacrĂ©e avancĂ©e. En l’espace de 2 000 signes, The Logoff traite de maniĂšre objective et factuelle d’une (et une seule) actualitĂ© du gouvernement Trump.

Que tirer de cette initiative ? D’abord, qu’on peut tenter de rĂ©pondre aux attentes de publics lessivĂ©s par la course Ă  l’information (je parlerai des notifications push dans mes mĂ©moires). Ensuite - surprise ! - que l’on peut couvrir un espace politique hyperactif et polarisĂ© sans tomber dans les mĂȘmes travers. Si The Logoff existe, c’est bien parce que de nombreux mĂ©dias sont tombĂ©s dans le panneau de Trump et de ses effets d’annonce lors de sa prĂ©sidence
 Et que l’on rempile pour une saison 2. C’est d’ailleurs, Ă  en croire le Washington Post, en partie pourquoi certains AmĂ©ricains ont arrĂȘtĂ© de suivre l’actualitĂ©.

Enfin, accompagner le lecteur dans une telle dĂ©marche, c’est aussi lui donner le moyen de sortir du marasme de l’actualitĂ©. En l’occurrence, The Logoff prĂ©sente Ă  la fin de chaque Ă©dition une actualitĂ© positive sous forme de fun fact, de podcast ou d’article de recherche. Histoire de - vraiment - dĂ©connecter.

Alexane Drolet : le visage numérique de Radio-Canada Québec

Alexane Drolet est la seule journaliste numĂ©rique Ă  Radio-Canada QuĂ©bec et l’un des visages connus de la chaĂźne. Sur les rĂ©seaux sociaux, elle traite l’actualitĂ© rĂ©gionale avec l’objectif de toucher un public jeune. Elle revient avec nous sur les coulisses de son travail, mais Ă©galement les difficultĂ©s qu’elle rencontre.

Vous ĂȘtes journaliste numĂ©rique Ă  Radio-Canada et animatrice du VidĂ©o Journal, Ă  quoi ressemblent vos journĂ©es ?

Au quotidien, mon travail consiste Ă  parler de l’actualitĂ© de la rĂ©gion de QuĂ©bec sur les rĂ©seaux sociaux. Je m’adresse plutĂŽt Ă  une audience jeune, pas toujours intĂ©ressĂ©e par l’actualitĂ©. Donc je fais en sorte de simplifier les grandes nouvelles, de les rendre intĂ©ressantes pour les jeunes en trouvant un angle qui les concerne.

Le VidĂ©o Journal, c’est un format qu’on a lancĂ© il y a quelques annĂ©es. Chaque jour, Ă  midi, je publie une vidĂ©o oĂč je rĂ©sume les trois nouvelles principales de la journĂ©e, en 3 minutes. C’est un format pensĂ© pour ceux qui n’ont pas le temps, qui ne regardent pas la tĂ©lĂ© et n’écoutent pas la radio. J’explique l’information, de maniĂšre simple en une minute et en respectant les codes des rĂ©seaux sociaux : format vertical, incarnĂ©, montage dynamique, sous-titres
 Et puis je travaille aussi sur des sujets Ă  plus long terme comme des reportages ou des entrevues.

Comment choisissez-vous vos sujets ?

Je choisis souvent en fonction de l’actualitĂ©. Je fais une revue de presse tous les matins, je choisis les sujets en fonction de ce que je vois ou de ce qui est dit en salle de nouvelles (confĂ©rence de rĂ©daction, NDLR). Ma cheffe valide les sujets pour le VidĂ©o Journal et les autres formats et ensuite j'entame l’écriture et le tournage. Mes sujets, c’est souvent de l’explication, mais ça peut aussi ĂȘtre des points presse, des enquĂȘtes, des entrevues. J’essaie aussi de valoriser le travail des collĂšgues, notamment en les faisant participer dans la vidĂ©o qui parle des sujets sur lesquels ils sont spĂ©cialisĂ©s. Je fais toujours en sorte de travailler sur des choses qui vont intĂ©resser mon audience. Par exemple, une information sur l’éducation va passer avant une information sur les retraites.

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Je suis dans une dĂ©marche de remise en question permanente, surtout que c’est un format en constante Ă©volution.

Alexane Drolet, journaliste numérique à Radio-Canada Québec

Quelles sont les clĂ©s pour rĂ©ussir Ă  intĂ©resser les jeunes Ă  l’actualitĂ© sur les rĂ©seaux ?

On sait que les trois premiĂšres secondes sont cruciales, donc dans mon Ă©criture, mon tournage, je pense Ă  ces trois secondes et j’essaie d’en tirer profit au maximum. Et puis je vais analyser les statistiques de chaque vidĂ©o et me poser des questions dĂšs qu’une ne marche pas. Je suis dans une dĂ©marche de remise en question permanente, surtout que c’est un format en constante Ă©volution. Je pense aussi que pour intĂ©resser les jeunes, il faut se poser la question « pourquoi les nouvelles ne les intĂ©ressent plus ? » et Ă©couter les rĂ©ponses qu’on nous donne.

Dans la forme, il y a des codes importants aussi. Il faut avoir leur langage, leurs expressions. Je n’utilise pas de mots compliquĂ©s dans mes vidĂ©os, je parle comme je parle tous les jours. Comme je dis souvent, j’essaie de rendre les nouvelles cool. Et surtout, je rappelle le contexte Ă  chaque fois mĂȘme si ça fait une semaine qu’on parle de ce sujet. Je pense que mon Ăąge joue en ma faveur, j’ai 26 ans, j’ai des centres d’intĂ©rĂȘt communs avec mon audience.

Quelle place a le numérique à Radio-Canada ?

C’est un secteur en pleine expansion. Pour Radio-Canada, dĂ©velopper le numĂ©rique est une prioritĂ© depuis deux ans. Il y a une vraie volontĂ© de dĂ©velopper les formats, d’agrandir les Ă©quipes. Par exemple, Ă  l’antenne de QuĂ©bec, il y a 115 journalistes, et seulement 4 personnes Ă  temps plein au numĂ©rique, mais je suis la seule journaliste. Puis ces changements, ça prend du temps, et de l’argent. Or, c’est encore compliquĂ© de faire de l’argent avec le numĂ©rique. Sur mes vidĂ©os, il n’y a presque aucune monĂ©tisation. Tout est en accĂšs libre sans abonnement, et sur certains formats longs il y a peut-ĂȘtre une ou deux publicitĂ©s.

Pour certains, l’adaptation n’est pas facile. Je suis nĂ©e avec un tĂ©lĂ©phone dans la main, donc c’est plus facile pour moi de comprendre ces nouveaux formats. Mais pour des journalistes qui ont toujours fait d’une certaine maniĂšre depuis 30 ans, c’est plus compliquĂ©. Parfois, ça peut mener Ă  certains « clashs ».

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À l’antenne de QuĂ©bec, il y a 115 journalistes, et seulement 4 personnes Ă  temps plein au numĂ©rique, mais je suis la seule journaliste.

Alexane Drolet, journaliste numérique à Radio-Canada Québec

Justement, comment avez-vous rebondi quand les médias ont été bannis des plateformes de Meta ?

C’est devenu notre nouvelle rĂ©alitĂ©. Ici, au Canada, les journalistes doivent travailler sans Instagram et sans Facebook. C’est un conflit qui dure depuis un an et demi et qui ne va pas s’arrĂȘter de sitĂŽt. C’est trĂšs compliquĂ© de rĂ©ussir Ă  toucher l’audience prĂ©sente sur ces plateformes. Il y a des personnes qu’on ne rĂ©ussira jamais Ă  atteindre, mĂȘme avec TikTok. On a fait beaucoup de campagnes de sensibilisation pour essayer d’amener les gens Ă  tĂ©lĂ©charger l’application Radio-Canada, mais ça n’a pas forcĂ©ment bien fonctionnĂ©. J’essaye de contourner les restrictions. Je parle beaucoup des contenus qu’on produit sur mes propres rĂ©seaux. Il y a de plus en plus de monde qui me suit sur mon compte Instagram personnel. Donc je les encourage Ă  aller voir nos productions, je mets des liens vers les vidĂ©os. Mais oui, c’est trĂšs compliquĂ© et ça limite notre capacitĂ© Ă  toucher une audience.

Rubrique : L'infographie
Mediapart lance « Aux manettes », une rubrique dĂ©diĂ©e au jeu vidĂ©o comme objet culturel et politique, le 25 janvier. D’aprĂšs ThĂ©o Dezalay, journaliste pigiste pour ce nouveau dossier, il n’est pas exclu qu’il y figure de l’enquĂȘte. Le jeu vidĂ©o est un secteur florissant : 28% de la population française jour chaque jour et il gĂ©nĂšre 188 milliards de dollars de revenus Ă  l’échelle mondiale, soit deux fois plus que le cinĂ©ma en 2023. Le jeu vidĂ©o et la presse en 5 dates clĂ©s. En 2007, le « Gerstmanngate ». Le journaliste Jeff Gerstmann est licenciĂ© aprĂšs sa crique de Kane & Lynch : Dead Men. En 2012 le « Doristosgate ». Le journaliste Geoff Keighley est accuĂ©s de promouvoir des produits commerciaux lors d’une Game Awards. En 2014 le #Gamergate. Une controverse sur la dĂ©ontologie de la presse vidĂ©oludique Ă©clate. Elle se transforme en une campagne de harcĂšlement sexiste envers des journalistes et des dĂ©veloppeuses. En 2018, la premiĂšre enquĂȘte d’ampleur en France. MĂ©diapart, Le Monde et Canard PC s’associent pour rĂ©vĂ©ler la culture de travail toxique rĂ©gnant chez le dĂ©veloppeur de jeux vidĂ©o Quantic Dream. En 2020, une enquĂȘte de libĂ©ration fait trembler le gĂ©ant français Ubisoft. Les rĂ©vĂ©lations du journal sur des faits de violences sexistes et sexuelles conduisent Ă  la dĂ©mission de plusieurs hauts dirigeants.
Rubrique : Med.IA
La MediaTech ‱ Salut Med.IA ! J’ai entendu parler d’un partenariat entre Ouest-France et le CNRS pour rĂ©flĂ©chir Ă  l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le journalisme. Mais je n’ai pas tout compris, tu peux m’expliquer de quoi il s’agit exactement ? MedIA ‱ Bien sĂ»r ! Ouest-France s’est effectivement associĂ© au CNRS mais Ă©galement Ă  l’UniversitĂ© de Rennes afin de crĂ©er un laboratoire commun : Synapses. C’est le premier partenariat de ce genre entre un titre de presse et des organismes de recherche. Leur objectif est d’utiliser les archives du journal pour entraĂźner l’intelligence artificielle afin qu’elle sache mieux exploiter ces ressources-lĂ . L’intention derriĂšre ce partenariat est aussi de comprendre les impacts de l’IA dans le journalisme afin de pouvoir accompagner le secteur dans ces changements. La MediaTech ‱ Mais pourquoi ce partenariat maintenant ? MedIA ‱ En rĂ©alitĂ©, Ouest-France collabore avec le CNRS depuis de nombreuses annĂ©es, mais de maniĂšre informelle. Pendant 30 ans, diffĂ©rentes Ă©quipes ont travaillĂ© ensemble pour structurer les archives journalistiques ou penser Ă  des applications de navigation. Les deux organismes ont dĂ©sormais officialisĂ© leur collaboration dans un but de recherche et d’innovation. En annonçant leur partenariat, ils informent Ă©galement les citoyens et rendent leur travail plus visible pour tous. Pour Ouest-France, c’est aussi une maniĂšre d’amĂ©liorer son utilisation de l’intelligence artificielle et de faire diffĂ©rentes expĂ©riences tout en gardant le contrĂŽle sur ses archives. Il y a une rĂ©elle exigence de souverainetĂ© des donnĂ©es afin de garantir l’intĂ©gritĂ© de Ouest-France. La MediaTech ‱ Tu parles d’expĂ©riences, est-ce qu’on sait dĂ©jĂ  sur quels projets le laboratoire va travailler ? MedIA ‱ Les responsables du projet ont annoncĂ© trois grands axes de travail. Tout d’abord, une analyse automatique des Ă©lĂ©ments photographiques, soit prĂšs de 40 millions d’images. L’idĂ©e est d’utiliser l’IA du laboratoire pour faciliter le travail des journalistes et documentalistes. Le deuxiĂšme axe concerne le traitement de plus de 100 ans d’archives textuelles. Le but est cette fois d’amĂ©liorer le traitement des textes historiques et leur comprĂ©hension en portant une attention particuliĂšre aux sens des mots Ă  travers les Ă©poques et leurs Ă©volutions. Enfin, le laboratoire s’intĂ©resse Ă  la visualisation d’informations complexes afin de les rendre plus accessibles pour les journalistes et donc le public. En dĂ©veloppant des outils pour mieux visualiser de trĂšs nombreuses donnĂ©es interconnectĂ©es, Synapses aiderait notamment les datajournalistes. La MediaTech ‱ C’est passionnant ! Merci pour toutes ces informations Med.IA, j’ai hĂąte de lire les premiĂšres conclusions de Synapses. À la semaine prochaine !
Rubrique : Bref

Mistral AI s'associe à l'AFP pour améliorer la qualité informative de son chatbot

Le 16 janvier, l’AFP a annoncĂ© un partenariat « pluriannuel » avec Mistral AI, entreprise française d’IA gĂ©nĂ©rative. L’accord permet au chatbot d’exploiter les 38 millions de dĂ©pĂȘches, avec 2 300 nouvelles par jour de l’agence pour ses rĂ©ponses. Cet accĂšs pouvant ĂȘtre dĂ©sactivĂ© Ă  la fin du contrat, il ne sera pas possible pour les modĂšles de Mistral d’utiliser ces informations pour s’entraĂźner. L’entreprise espĂšre amĂ©liorer la prĂ©cision et la fiabilitĂ© des rĂ©ponses. Pour l’AFP, ce contrat, estimĂ© Ă  plusieurs millions d’euros, constitue une opportunitĂ© financiĂšre stratĂ©gique face Ă  la montĂ©e de l’IA et au dĂ©clin du marchĂ© de l’information.

The Conversation fait ses preuves dans le local 

The Conversation, le mĂ©dia anglophone proposant des analyses fondĂ©es sur la recherche acadĂ©mique, a lancĂ© depuis janvier 2024 The Conversation Local. Depuis un an, cette branche vise Ă  diffuser les analyses des experts universitaires sur les enjeux locaux dans quatre rĂ©gions des États-Unis : Colorado, Philadelphie, Detroit et le sud de la Floride. Soutenue par une subvention de 1,27 million de dollars, l'initiative souhaite combler les lacunes des mĂ©dias locaux et valoriser des recherches locales souvent ignorĂ©es par les mĂ©dias traditionnels.

Un média spécialisé sur Elon Musk ?

Judd Legum, journaliste amĂ©ricain et fondateur de Popular Information, a lancĂ© le 20 janvier Musk Watch sur Substack, une publication dĂ©diĂ©e Ă  Elon Musk, milliardaire et proche de Trump. Chaque semaine, deux numĂ©ros offriront une analyse de ses actions rĂ©centes : l'un avec des enquĂȘtes approfondies, l'autre proposant des reportages externes. Si le projet se veut avant tout une posture critique et d’opposition, l’objectif est avant tout d'Ă©tudier l'impact de Musk sur les industries et la politique, notamment Ă  travers ses rĂŽles dans SpaceX, Tesla et la task force DOGE.

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Merci pour votre fidélité, à bientÎt ! Cette newsletter a été réalisée par Charlotte Delfosse, Edwige Denis Ward Doncoeur , Axel Favrot, Ellyn Mainguy, Quentin-Mathéo Pihour, Alexandre Thibout. Etudiants à l'ESJ Lille. Encadrement : Auriane Guérithault.