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⚔️ La lutte du gouvernement espagnol contre la désinformation
C'est aussi les 50 ans de TF1, la plus ancienne chaîne de télévision grand public en France. On vous parle également de la stratégie réseaux sociaux d'Arte, de l'IA de Meta MovieGen, d'une nouvelle plateforme d'intérêt général annoncée par Disclose ou encore du potentiel disruptif des marchés prédictifs pour le journalisme.
Lutter contre les fake news en ligne, oui, mais comment éviter de piétiner les libertés d’expression et de la presse ? La question ressurgit après l’annonce, le 17 décembre, d’un projet de loi espagnol obligeant comptes influents et plateformes à corriger les publications jugées trompeuses. Dire que c’est une avancée législative européenne majeure occulte un point : l’Espagne n’en est pas à son coup d’essai. En 2020, la « procédure d’intervention contre la désinformation » visait déjà les fake news étrangères via des campagnes de communication gouvernementales. Critiquée, elle avait suscité l’inquiétude de Reporters Sans Frontières quant aux limites floues en matière de liberté de la presse. Avec cette question fondamentale : qui décide ce qu’est la désinformation ? D’autant qu’en Europe, certains pays ont déjà voté des lois censées lutter contre ce fléau, mais qui répriment en réalité les libertés d’expression et de la presse. En juin 2018, la Biélorussie faisait ainsi passer des amendements pour autoriser le gouvernement à poursuivre les internautes partageant des fake news, menaçant directement les journalistes. Reste à voir si Madrid créera un précédent en donnant de réelles garanties au public et aux médias.
Guillemette Trognon est responsable de l’éditorial des réseaux sociaux pour la chaîne de télévision franco-allemande Arte depuis plusieurs années. Elle nous plonge dans les coulisses de son métier au sein du média culturel, entre élaboration d’une stratégie de communication et adaptation aux plateformes numériques.
Comment définiriez-vous la ligne éditoriale d’Arte France sur les réseaux sociaux ?
Notre stratégie repose sur trois principes. D’abord, fournir des repères clairs et de la culture pour tous, en favorisant une relation horizontale avec notre audience sur TikTok, YouTube, Instagram, etc. Ensuite, être présents là où se trouve déjà le public, en adaptant nos efforts aux réseaux les plus utilisés sans chercher à déplacer les audiences d’une plateforme à une autre : on sait que sur chaque réseau social, on ne s'adresse pas aux mêmes personnes. Enfin, on essaye d’utiliser le bon format pour la bonne plateforme, en tenant compte à la fois des attentes des internautes et des spécificités de chaque réseau social.
Concrètement, comment vous adaptez-vous aux différentes plateformes ?
Il est impossible de résumer toute notre programmation sur les réseaux sociaux. Pour parler d’un film sur TikTok ou Instagram, où le format vidéo est adapté, on va mettre en avant des aspects spécifiques de ce film, avec une approche différenciée selon la plateforme. TikTok exige une communication très claire, car les contenus y sont consommés très rapidement, sous peine d’incompréhensions et de modération accrue. Sur Instagram, le format influence l’audience : un carrousel touche principalement nos abonnés, tandis qu’une vidéo courte (moins de 90 secondes) en reels atteint un public plus large, souvent peu familier avec Arte.
Qu’est ce qui vous permet de vérifier que les contenus d’Arte fonctionnent bien sur les réseaux sociaux ?
On analyse attentivement les statistiques des plateformes pour mieux comprendre nos audiences. On complète cela avec des études qualitatives et des panels pour saisir la manière dont Arte est perçue et quelles sont les attentes du public sur les différents réseaux sociaux.
À quelles difficultés faites-vous face sur les plateformes ?
Une des principales difficultés est le phénomène de shadow ban, où un contenu, bien que publié, peut être limité en visibilité, ce qui est pire que la censure claire. Cela crée une incertitude : est-ce dû à un algorithme défavorable, à un manque d'intérêt du public, ou à un contenu jugé inadapté ? De plus, les règles qui entourent les contenus jugés inadaptés varient d’une plateforme à l’autre, comme l’obligation de flouter des tétons sur Facebook mais pas sur Twitter. En tant que média certifié, nous n’avons pas les mêmes marges de manœuvre que des comptes anonymes, ce qui complique encore la situation, y compris dans des détails comme les sous-titres qui peuvent déclencher des blocages. Nous entretenons des relations avec les plateformes pour optimiser la mise en avant de nos contenus ou tester des fonctionnalités, mais les allocutaires restent souvent éloignés des décisions stratégiques.
Le shadow ban est pire que la censure claire. Cela crée une incertitude : est-ce dû à un algorithme défavorable, à un manque d'intérêt du public, ou à un contenu jugé inadapté ?
Quels conseils donneriez-vous à un média qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?
Il est essentiel de définir clairement ses objectifs : pourquoi aller sur ces plateformes, et pourquoi privilégier certaines plutôt que d'autres ? Plutôt que de chercher à être présent partout, il vaut mieux se concentrer sur un réseau pour y développer un ton unique et identifiable. Quelle histoire souhaitez-vous raconter à votre audience ?
Desintox tire sa révérence
La nouvelle a pris de court les fans de l’émission d’Arte : le 19 décembre sur ses réseaux sociaux, Désintox annonçait son clap de fin. L’émission était la plus ancienne dédiée à la désinformation. Née en 2011 de la collaboration du service désintox de Libération (créé en 2008 et remplacé par CheckNews en 2017), de la société de production 2p2l et des équipes d’Arte. À l’origine en rubrique du journal 28 Minutes d’Arte, elle était passée uniquement sur les réseaux sociaux. Contacté par la Media’Tech, le producteur Antoine Piwnik, a indiqué qu’il s’agissait d’une coupe budgétaire.
Disclose Data, une plateforme pour lever le voile sur les projets industriels
Le site d’investigation Disclose, dont la dernière campagne de don de 80 000 € s’est terminée au 31 décembre 2024, a annoncé dans sa newsletter du 22 décembre, l’arrivée prochaine d’un nouvel outil nommé Disclose Data. Le principe : une plateforme en ligne en accès libre sur laquelle seront disponibles tous les documents administratifs sur les projets industriels et agricoles. L’association travaille sur le projet depuis l’automne 2023 et le conçoit comme un moyen de se “mobiliser [et de] contester” ces projets en justice.
Les “marchés prédictifs” deviendront-ils mainstream ?
C’est en tout cas le pari de Taylor Lorenz, journaliste américaine spécialisée dans la culture internet et réseaux sociaux. Sa prédiction est l’une de celles rassemblées par le Nieman Journalism Lab qui a demandé à 150 spécialistes du journalisme leurs avis sur l’évolution du métier en 2025. Selon elle, les sites de « marché prédictif » (Polymarket, Metaculus, Manifold Markets, Kalshi, PredictIt…), qui permettent de parier sur l’actualité, récompensent une information pertinente et décentralisée, plus efficace que les réseaux sociaux ou les médias traditionnels. Aujourd'hui, la plupart sont interdits des deux côtés de l’Atlantique, à défaut d’agrément, ce qui n’a pas empêché certains comme Polymarket d’être au centre des discussions, y compris dans les médias mainstream.