La presse ado se réinvente, fini le papier !

Cette semaine, on plonge dans les coulisses de la création de podcasts à partir des archives de l’INA avec Théophile Cossa. On s'intéresse aussi à la presse destinée aux ados, qui mise sur de nouveaux formats pour capter leur attention, ainsi qu’aux outils incontournables des éditeurs de presse. Sans oublier la disparition de C8 et NRJ12, et l’IA qui s’invite dans les coulisses du New York Times !

Rubrique : L'édito

Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez vu un adolescent lire un magazine papier ? Non ? Rien de plus normal puisqu’ils n’en consomment quasiment plus. D’après un sondage CSA en 2022, seuls 3 % des adolescents lisent encore des magazines papier. Aujourd’hui, c’est principalement sur les réseaux sociaux qu’ils s’informent. Et ça, les médias jeunesse l’ont bien compris et tentent d’innover pour s’adapter.

Prenez Phosphore. Après 44 ans, ce magazine destiné aux lycéens a décidé d’abandonner le papier pour devenir 100 % numérique et continuer à cibler les 14-19 ans. Les pages à tourner font place au swipe et au scroll depuis le 31 janvier 2025. Les abonnés reçoivent désormais un SMS chaque semaine leur donnant accès aux informations. Victoria Jacob, rédactrice en chef de Phosphore, explique que seule la forme est modifiée. Le magazine garde sa ligne éditoriale. Des reportages vidéo, des quiz interactif, des BD verticales ou encore du motion design… bref, des contenus pensés pour les jeunes et adaptés au numérique tout en limitant le temps d’écran à 15 minutes.

Du côté du Monde des ados – qui n’a rien à voir avec Le Monde – on mise sur une double approche : un mag papier hebdomadaire et un site web pour l’actualité quotidienne. Un choix motivé par le fait que « beaucoup d'enfants n'ont pas encore accès à un smartphone et leurs parents ont envie qu'ils gardent un lien avec le papier », expliquait Lise Martin, rédactrice en chef, à l’AFP. 

Théophile Cossa est journaliste pour l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il a travaillé pour Europe 1, puis le studio de podcasts Majelan. En septembre 2024, il lance le podcast Le Temps de l’actu, pour raconter l’actualité avec les archives de l’INA. De quoi affirmer encore plus la stratégie du groupe public de diversification de ses contenus.

L’INA est historiquement lié à l’image. Pourquoi prendre le virage du son avec le podcast ?

Cela s’inscrit dans une stratégie, amorcée en 2023, visant à se positionner sur tous les supports et à s’affirmer de plus en plus comme un média. L’INA a d’abord commencé à publier de vieilles émissions en podcast, comme Les archives du crime. Ça a très bien fonctionné en termes d’audience, alors il y en a eu d’autres par la suite, comme ADN ou La Vie d’avant, qui traitent de thématiques de société. Et puis, il manquait un podcast d’actualité, et il y avait l’envie de développer un format un peu original qui, tout en faisant de l'actu, puisse mettre en valeur les archives. C’est dans ce cadre-là qu’ils m’ont appelé en mai 2024.

Justement, comment le présentez-vous, ce podcast ?

C’est un podcast d’environ trente minutes, qui se décompose en deux parties. Il y a une première partie de récit documentaire dont l'objectif est de raconter l’histoire du sujet : d’où il vient, son évolution et pourquoi tels enjeux existent aujourd’hui. Puis une deuxième partie, avec une interview, où l’on est un peu plus dans le présent, avec des universitaires, des experts, des journalistes et parfois des personnalités politiques. Là, on veut se concentrer sur les enjeux actuels du sujet ou du débat de société que l'on traite. On veille à garder une dimension pédagogique. L'idée est vraiment que l’auditeur puisse se faire son propre avis sur la question. On est hyper attachés à cette neutralité-là.

Le but est d’épouser notre signature « Le passé éclaire le présent », c’est-à-dire regarder dans le rétroviseur pour raconter et donner les clés de compréhension aux auditeurs sur les grands sujets d'actualité ou les grands débats de société. On se rend compte, bien souvent, qu’ils remontent loin, aussi loin qu'on puisse regarder dans les archives de l'INA. Par exemple, nous avons signé un épisode consacré à la baisse de la natalité en France. Les premières archives auxquelles nous sommes remontés datent de 1946.

Comment les choisissez-vous, ces sujets ?

Déjà, il y a la problématique de l'archive : il faut qu’on ait de la matière. Donc, on cherche plutôt des sujets qui ont une résonance un peu historique, sans trop faire d'épisodes éphéméride. Ça arrive parfois, comme pour les dix ans de l’attentat contre Charlie Hebdo, parce qu’il y a un lien avec les problématiques autour de la liberté d'expression, notamment. Pour le reste, on essaie de trouver des sujets de forte importance qui, selon nous, méritent une mise à plat pédagogique dans le contexte actuel. Et puis, j'aime bien essayer d'aller chercher la question qui fait débat. Par exemple, dans le sujet sur la démographie, ce qui m'intéresse, c'est de savoir, bien sûr, pourquoi fait-on moins d'enfants, mais aussi d’enchaîner en se demandant si c’est réellement grave pour une société de faire moins d'enfants. L’idée est de recueillir un peu tous les arguments du pour et du contre. On tente de chercher un débat apaisé, objectif et le plus neutre possible ; on veut éviter le clash.

Quels sont les moyens nécessaires à la production d’un épisode ?

Je suis le seul journaliste sur ce podcast. J’ai des échanges réguliers avec Emmanuel Goubert, qui est le directeur de la création éditoriale et l’équivalent de mon rédacteur en chef. Je travaille aussi avec une équipe de documentalistes, qui fait un travail formidable. Pour chaque sujet, je leur donne un brief, et elles reviennent vers moi 24 heures plus tard avec une sélection d’une quarantaine d’éléments. À partir de cette sélection, j’en garde entre 10 et 15 pour l’épisode. La seule contrainte, c’est que nous ne pouvons pas utiliser des archives datant de moins d’un an. Puis, sur la partie technique, il y a deux producteurs qui se relaient et qui chapeautent toute l’organisation : les ingénieurs du son, le budget, etc.

On tente de chercher un débat apaisé, objectif et le plus neutre possible ; on veut éviter le clash.

Théophile Cossa

Le podcast est en partenariat avec l’université Panthéon-Assas. Quelle est la plus-value de cette association ?

Les deux institutions, l’INA et Panthéon-Assas, entretiennent une relation privilégiée. D’un point de vue éditorial, il y a la volonté de mettre en avant la parole d’universitaires qu’on n’entend pas forcément, ou un peu moins. Et d’un autre point de vue, il y a un enjeu de partage des coûts pour lancer ce projet. Panthéon-Assas tenait à participer à un projet éditorial avec l’INA, et nous, cela nous permet de bénéficier de studios d’enregistrement qui sont super, en plein cœur de Paris. Et ça, c’est pratique, notamment pour faire venir les invités. On n’est pas du tout contraints ni limités à n’inviter que des personnalités de Panthéon-Assas. J’aime bien mixer les profils. Et il y a aussi des épisodes où il n’y en a pas. On a une grande liberté là-dessus.

Je pense aussi qu’inviter ces universitaires nous permet de nous différencier des autres podcasts. On voulait se démarquer des podcasts réalisés par des journalistes qui invitent d’autres journalistes à analyser l’actualité. Ce sont des formats qui fonctionnent très bien, mais nous l’avons fait avec notre ADN. Et je ne veux pas du tout critiquer mes confrères : L’Heure du Monde, Code source ou La Story sont d’excellents formats qui marchent très bien. Après, on n’a pas inventé la poudre : le format récit puis interview, Affaires sensibles le fait déjà très bien. En revanche, nous l’avons adapté aux sujets d’actualité.

Et quelle est la suite ? 

Chaque épisode est plus écouté que celui d'avant. Le chemin reste long parce que le monde du podcast est ultra concurrentiel. Il y a énormément d'offres disponibles chaque semaine sur les plateformes d'écoute. Un succès en podcast, c’est du temps long. Ce qui est encourageant pour nous, c'est que nous avons réussi à avoir des invités prestigieux, je pense à François Hollande, par exemple. L'objectif n'est pas de faire que de la star, ou du très gros profil. Mais c’est bien d’alterner, ça nous donne une légitimité. On va aller jusqu'au bout de cette saison, bien sûr, et il n’y a pas de raison, pour l'instant, pour qu'il n'y ait pas de saison deux. Et puis pourquoi pas espérer, un jour, être bien installé et commencer à avoir une petite notoriété !

Rubrique : L'infographie
Rubrique : Med.IA

Rubrique : Bref

Extinction des feux pour C8 et NRJ12 : et après ?

C’était un moment inédit dans l’histoire du PAF : si vous aviez le bon timing, vous avez peut-être assisté, dans la nuit du 28 février au 1er mars, à la disparition de deux chaînes télévisées. En l’occurrence, C8 et NRJ12, dont l’exclusion de la TNT a été validée par le Conseil d’État le 19 décembre, car leur programmation ne répondait au cahier des charges de l’Arcom. Leurs fréquences ont été réattribuées à deux nouvelles chaînes. D’abord, T18, portée par le groupe CMI (Czech Media Invest) de Daniel Křetínský – propriétaire, entre autres, de Marianne et Elle. Elle prendra l’antenne dès le 6 juin, selon Media Leader. Au programme : des documentaires divisés en cinq thématiques : société, histoire et politique, sciences, culture et découverte. Ensuite, OF TV (le nom n’a pas encore été arrêté), portée par Ouest-France, qui émettra à partir du 1er septembre et veut s’adresser « en priorité aux jeunes adultes, âgés de 25 à 49 ans, qui vivent en dehors des centres-villes, et leur proposer une offre alternative à celle des chaînes existantes », d’après Maud Lévrier, responsable Transformation, numérique et distribution, dans une interview au Pèlerin.

Sur TikTok, les médias prouvent que les actualités ont toute leur place

Le magazine spécialisé The Fix a publié, le 13 février, son classement des médias sur TikTok. Depuis 2021, il comptabilise les plus influents d’entre eux, comptabilisés en termes d’abonnés et de likes. En 2025, on y retrouve des médias télévisés comme la BBC, la presse traditionnelle avec El Mundo, ou encore des médias digital native tels que Konbini. Avec quels points-clés à retenir ? D’abord, la liste n’a pas vraiment évolué depuis 2024, excepté l’entrée au classement des chaînes télévisées espagnoles RTVE Noticias (2,1 millions d’abonnés) et françaises BFMTV (2,2 millions d’abonnés). Ensuite, la qualité n’est pas forcément plus importante que la quantité (désolé, Steve Jobs) : The Fix note que la présence constante de certains médias et le grand nombre de contenus publiés ont fortement influencé leur croissance. The Daily Mail, qui truste la première place du classement, a gagné 20 millions d’abonnés en près d’un an, tandis que Brut en a engrangé 10 millions. Quid des thématiques abordées ? Le classement donne à voir un ratio de 50/50 entre les médias d’actualité et ceux traitant de “sujets légers”. Seuls trois organismes dans le top 10 se concentrent ainsi sur le divertissement. Et The Fix prédit ainsi que « la demande d’actualités est toujours là et qu’elle continuera probablement de croître ».

Le NY Times embarque dans le train de l’IA

Alerte généraaaaaaaale ! Le New York Timestoujours en procès contre Microsoft et OpenAI après l’aspiration de ses contenus par ChatGPT – vient de donner le feu vert à l’utilisation de l’IA dans l’entreprise. L’outil Copilot de GitHub pour la programmation, l’IA Vertex de Google pour le développement de produits, NotebookLM pour les podcasts… On ne vous fera pas la liste de tous les outils mis en place avec des garde-fous, évidemment. Mais l’un d’eux a retenu notre attention : Echo, un outil fait maison (oui oui) en phase bêta pour aider les journalistes à résumer « des articles, des briefings ou encore des interactifs » du New York Times. On en sait encore (très) peu sur lui, mais sa création est révélatrice de deux choses. D’abord, le Times admet que les rédactions doivent aujourd’hui faire appel à l’IA dans certaines de leurs tâches. Ensuite, il préfère développer ce type d’outil en interne afin de garantir l’intégrité et la sécurité des sources ou des données et ainsi respecter ses engagements sur l’IA. De quoi dessiner un modèle qui, peut-être, sera suivi par d’autres médias, qui n’ont pas manqué cette annonce.

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Merci pour votre fidélité, à bientôt ! Cette newsletter a été réalisée par Charlotte Delfosse, Edwige Denis Ward Doncoeur , Axel Favrot, Ellyn Mainguy, Quentin-Mathéo Pihour, Alexandre Thibout. Etudiants à l'ESJ Lille. Encadrement : Auriane Guérithault.