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Lancer un nouveau JT de 20h... en vain ? Le pari de BFM
Loup Lassinat-Foubert revient avec nous sur la création de Kolok, le média à destination des jeunes de Ouest-France. On parle aussi du virage à 180° de Mark Zuckerberg concernant le fact-checking ou encore d'une étude sur les biais de genre au Monde, sans oublier l'évolution de la liberté journalistique au Washington Post.
Une nouvelle mise en images, des experts en plateau, Maxime Switek à la présentation : voici « Le 20h BFM », le nouveau rendez-vous de la chaîne d’info en continu, qui veut « chatouiller » les JTs de TF1 et France 2. Mais malgré les promesses de « réinvention », difficile de voir une vraie rupture. Une première demi-heure pour l’information, une seconde pour le décryptage, et un QR Code interactif : réussi, mais classique.
Ce lancement intervient dans un contexte compliqué pour la chaîne du groupe CMA-CGM. En 2023, Laurent Ruquier et son talk « le 20h de Ruquier » avait claqué la porte faute d’audience, et à la rentrée, Eric Brunet n’a pas fait mieux. Alors, de plus en plus talonnée par CNews, la chaîne cherche à se recentrer sur « l’information et le terrain ». Mais faut-il miser sur une case aussi saturée ? Si TF1 et France 2 fédèrent encore près de 8 millions de fidèles, c’est grâce à des décennies d’habitudes… Tout en peinant eux-mêmes à se renouveler.
France 2 a d’ailleurs prolongé son JT en septembre pour atteindre une heure. Officiellement, pour « prendre le temps de s’informer », officieusement, pour tenter d’enrayer son recul face à TF1. Alors, peut-être faut-il inventer d’autres formats, plus adaptés aux nouveaux usages, en se demandant si le 20h est encore le bon terrain pour réinventer l'information, et s'il ne faudrait pas repenser le rendez-vous en lui-même ?
Loup Lassinat-Foubert est chef de projet éditorial chez Ouest-France. Il y supervise Kolok, le média à destination des jeunes audiences, lancé sur YouTube en octobre 2024. Pour la Médiatech, il revient sur la genèse du projet, entre inspiration auprès des créateurs de contenus et nouvelles habitudes de consommation numériques.
Comment est né Kolok, et dans quelle stratégie éditoriale s’inscrit-il chez Ouest-France ?
Ouest-France a déjà mis en place de nombreux projets, comme Sur le vif et Jactiv, destinés aux jeunes. Mais leurs attentes et modes de consommation évoluent. Pour le directoire, il était temps, début 2024, de relancer une nouvelle proposition qui s’adresse à eux. On a été aidés par les échanges et les données internes récoltées pendant la campagne Ouest-France Demain, lancée en 2023 pour réfléchir au futur du média. Près de 400 propositions de nos collaborateurs et lecteurs s’adressaient aux jeunes générations ! Et puis, ça répondait aussi à une demande interne de jeunes journalistes, qui voulaient s’emparer de nouveaux formats.
Les jeunes ne considèrent pas YouTube comme un réseau social, mais comme une bibliothèque géante dans laquelle piocher des infos.
Justement, pourquoi avoir choisi YouTube et pas un autre réseau social pour lancer votre média ?
On serait plutôt allés sur TikTok, mais en échangeant avec des jeunes, on s’est rendu compte qu’ils avaient une autre approche de YouTube, qui nous intéressait en tant que média. Pour eux, il y a une différence fondamentale entre les deux plateformes. Ils ne considèrent pas YouTube comme un réseau social, mais comme une bibliothèque géante, dans laquelle piocher des infos. TikTok leur sert plutôt d’élément déclencheur et va susciter l’intérêt autour d’un sujet, qu’ils vont creuser sur… YouTube. Donc on s’est dit que la passerelle la plus logique pour nous, c’était de transmettre des informations avec des vidéos YouTube. Et on a repris le modèle de créateurs de contenus, comme les vulgarisateurs. C’est comme cela qu’on s’est lancés. On réfléchit les codes différemment, et moins en tant que média.
En parlant de créateurs de contenus, quelles ont été vos inspirations, vos références, côté médias comme divertissements ?
Je donnerais en premier le média Tataki, lancé par la RTS, la Radio Télévision Suisse. Je trouve que c’est vraiment un excellent projet, qui a aujourd’hui 4-5 ans et qui dispose d’une grosse rédaction, mais que je trouve bien construit. On a aussi eu des contacts avec Wallerand (Moullé-Berteaux, N.D.L.R.) du groupe Le Crayon et avec Romain Monté - qui tient la chaîne Linguisticae et a participé à l’émission Vortex d’ARTE - qui n’habite pas loin de Rennes. Nos échanges avec eux nous ont permis de bénéficier de conseils, d’idées, d’avoir des feedbacks sur notre proposition. Et on est d’ailleurs toujours en contact avec certains d’entre eux pour des projets parallèles.
Plus d’un mois après le lancement officiel du projet - en réalité, deux mois depuis son lancement en catimini - quel regard portez-vous sur la Kolok ? Êtes-vous satisfaits ?
On a beau connaître les codes de YouTube, on sait qu’il y a une part d’aléatoire - presque de chance - pour que cela fonctionne. Certaines vidéos, comme celle sur la menuisière, ont très bien marché parce qu’on est arrivés au bon moment, avec le bon sujet. Pour d’autres, ça a été plus difficile. C’est une bonne manière aussi de montrer, au niveau éditorial, ce qu’on veut prouver. Je retiens une grande fierté vis-à-vis de Kolok ; il y a des reportages que j’adore, qui m’amusent beaucoup, avec un ton que j’aime énormément. Ensuite, les partages, les commentaires… Sur les réseaux sociaux, les encouragements, ça marche toujours et ça compte énormément. Début 2025, on va essayer d’accélérer en termes de visibilité, pour faire mieux connaître la proposition éditoriale. Mais on est déjà, depuis le lancement, à 1 400 abonnés, pour 164 000 vues et un total de 6 000 heures de vidéo visionnée. C’est assez impressionnant, et ça donne à voir une bonne croissance au global.
👉 L’article du Monde sur la démission d’Ann Telnaes, c’est ici !
👉 Pour en savoir plus, c’est juste ici
La fin du fact-checking et l’avenir inquiétant de la modération chez Meta
Dans un contexte où Donald Trump vient d’être élu, Mark Zuckerberg a annoncé le 7 janvier vouloir se débarrasser des vérificateurs de faits pour les remplacer par des notes communautaires semblables à celles de X sur Facebook et Instagram. Meta avait noué des partenariats avec plusieurs médias à travers le monde pour vérifier la véracité des contenus publiés sur ses plateformes. Il les juge désormais « trop biaisés politiquement ». Il a également annoncé le déménagement de son équipe de modérateur présente en Californie, au Texas l’État le plus conservateur des États-Unis.
« News Brief », premier produit news de Google basé sur de l’IA ?
Google a annoncé le 6 janvier au festival Consumer Electronics Show (CES) tenu chaque année à Las Vegas, la sortie d’une offre de diffusion automatique d’actualité par vidéo sur les appareils disposant de Google TV. Google mise sur son assistant IA maison Gemini pour faire un résumé d’actu basé sur des articles disponibles sur Internet et des contenus YouTube publiés par des chaînes d’information que l’entreprise considère fiables. D’après le site américain TechCrunch, la fonctionnalité nommée « News Brief » semble être le premier produit news à base d’IA de Google. La sortie est prévue pour fin 2025.
Une étude éclairante sur les biais de genre au Monde
Une étude de Benoît de Courson et al. est sortie le mois dernier en preprint. Basé sur plus de 3 millions d’articles depuis la création du journal, ce travail de recherche révèle des biais de genre dans le traitement et l’exposition des femmes. Ils ont mesuré pour cela le nombre de femmes citées, ainsi que les types d’articles dans lesquels elles apparaissent et les verbes et qualificatifs qui leur sont associés. Les verbes « murmurer », « raconter », « sourire » auraient ainsi été environ trois fois plus attribués aux femmes dans des citations, bien que les auteurs notent une diminution significative de ce vocabulaire stéréotypé au fil du temps.