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L'IA pour fact-checker en direct
đ€Ż Un outil qui a de l'avenir
Un peu comme Sam Altman, on est de retour ! AprĂšs un Ă©tĂ© prĂšs des plages et du soleil (ou pas), la MĂ©diaâTech revient pour une 6Ăšme saison. Des dĂ©cryptages, des interviews, des chiffres, de lâinternational, de lâIA⊠Câest parti pour une annĂ©e de mĂ©dia et de tech. Et vu lâactu, on ne devrait pas sâennuyer. Bonne lecture !
đïž MĂ©diaâTalk : On reçoit Emilie Gautreau, responsable du « Vrai ou Faux » Ă Franceinfo !
đ Vu dâailleurs : Meta, Washington Post et un fact-checkeur de lâextrĂȘme
đ€ IA quoi ? : CounterCloud, un mĂ©dia de propagande 100% rĂ©alisĂ© par lâIA
đ Infographix : De Twitter Ă X, 1 an dâElon Musk
« On ne doit pas renoncer Ă notre mĂ©thodologie journalistique, il faut mĂȘme la renforcer »
Comment fonctionne la cellule « Vrai ou faux » ? Quâest ce que vous y faites ?
On lâa renommĂ©e « Vrai ou Faux » cette annĂ©e dans un souci dâharmonisation entre Radio France et France TĂ©lĂ©visions puisquâil y a un site internet commun, avec toutes les productions « fact-checking ». En ce qui concerne la radio, on est six dans la cellule « Vrai ou faux ». Il y a trois piliers dans le service : le « fact-checking » , le dĂ©cryptage et lâĂ©ducation aux mĂ©dias. Le « fact-checking » passe essentiellement par le rendez-vous du matin le « Vrai ou Faux », Ă trois moments dans la matinale de FranceInfo. Ensuite, tout au long de la journĂ©e, il y a des rendez-vous de dĂ©cryptage de lâactualitĂ© dĂšs quâil y a besoin, avec la contextualisation et lâexplication de faits dâactualitĂ©s complexes. Enfin, il y a des rendez-vous dâĂ©ducation aux mĂ©dias, essentiellement le âVrai ou Faux juniorâ, une Ă©mission tous les vendredis dont le sujet part de questions dâadolescents.
Vous travaillez avec le logiciel dâIA « Statcheck », quâest-ce que câest ?
Câest un partenariat quâon a montĂ© avec les ingĂ©nieurs de lâInria (Institut nationale de recherche en sciences et technologies du numĂ©rique) depuis deux ans maintenant. Câest un outil quâils ont crĂ©Ă© spĂ©cifiquement pour nous. Ă partir des personnes quâon suit sur X (ex-Twitter), lâoutil va repĂ©rer dans leurs dĂ©clarations des Ă©lĂ©ments susceptibles dâĂȘtre « fact-checkĂ©s ». Lâoutil nous facilite donc le travail de veille. Câest particuliĂšrement vrai pour les interviews politiques qui durent chaque jour 2 Ă 3 heures sur toutes les chaĂźnes. « Statcheck » peut notamment repĂ©rer un chiffre sur le taux de chĂŽmage quâaurait donnĂ© une personnalitĂ© politique. Le deuxiĂšme volet du logiciel permet de renvoyer vers une base de donnĂ©es pour vĂ©rifier lâinformation. Pour lâinstant, lâoutil repose sur les donnĂ©es de lâINSEE et dâEurostat Ă lâĂ©chelle europĂ©enne.
Comment vous servez vous de cet outil au quotidien ?
Il nous fait gagner beaucoup de temps mais il nâannule pas tout le travail journalistique qui existait dĂ©jĂ . On continue de croiser les sources, dâeffectuer des vĂ©rifications et dâajuster ou actualiser les chiffres que nous livre « Statcheck ». On ne doit pas renoncer Ă notre mĂ©thodologie journalistique. Au contraire, je dirais mĂȘme quâil faut la renforcer. Maintenant, on a plusieurs projets pour dĂ©velopper le logiciel. LâidĂ©e est de le faire travailler sur dâautres bases de donnĂ©es Ă lâavenir, comme celles des ministĂšres de lâintĂ©rieur ou de la santĂ©. Une autre piste dâamĂ©lioration serait de faire travailler les ingĂ©nieurs de lâInria directement Ă Radio France. Si on veut vraiment que ce soit pertinent sur le plan Ă©ditorial, il faut quâils nous voient travailler au quotidien. Les univers journalistique et scientifique sont trĂšs diffĂ©rents, avec des mĂ©thodes particuliĂšres, et il faut rĂ©ussir Ă mieux travailler main dans la main sur ce projet.
Est-ce quâil y a eu des rĂ©ticences par rapport Ă lâutilisation de lâIA au sein de la rĂ©daction ?
Je ne parlerais pas de rĂ©ticence mais plutĂŽt de vigilance. Il y a beaucoup de questionnements car nous sommes encore dans une phase dâexpĂ©rimentation. Pour lâinstant, ce nâest que les balbutiements, il y a essentiellement mon service qui est concernĂ©. La rĂ©daction se dit quâil ne faut pas se laisser distancer. Il faut quâon ait la connaissance de ces outils, quâon sache les utiliser et quâon dĂ©veloppe une rĂ©flexion en continue sur que ça reprĂ©sente en termes dâenjeux journalistiques. Tous ces outils dâIA nous aident seulement. Pour le moment, on le voit comme quelque chose de positif. On a conscience quâil faut observer cela avec vigilance, que ce ne soit pas quelque chose qui remplace un journaliste sur certaines tĂąches. Il ne faut pas se reposer sur lâoutil, il faut toujours quâun journaliste soit derriĂšre.
Avez-vous dâautres projets dâutilisation de lâIA Ă lâavenir ?
On rĂ©flĂ©chit chaque jour Ă comment on pourrait utiliser lâIA, sans avoir nĂ©cessairement du concret pour le moment. LâIA pourrait nous aider dans lâarchivage, la rĂ©cupĂ©ration de donnĂ©es. Quand on veut faire un travail de data journalisme, câest compliquĂ© aujourdâhui mais demain je pense que ce sera accessible Ă nâimporte qui. Câest aussi du cĂŽtĂ© des outils pour dĂ©busquer les fausses images et vidĂ©os quâil faudra travailler. Pour ce qui est de lâarchivage, il y a un certain nombre de nos contenus quâon peut retrouver mais pas tout. Notre idĂ©e serait dâavoir une base de donnĂ©es qui repose directement sur les contenus des journalistes de FranceInfo.
Propos recueillis par Khadidiatou Goro et Christian Mouly
Plongée dans CounterCloud, un média de contre-propagande 100% IA
« Neapaw » est inconnu, intraçable. Deux personnes, dont une se prĂ©sente sur YouTube comme « ingĂ©nieure et analyste dans un pays qui ne fait pas partie de lâappareil de renseignement occidental, mais pas non plus en Chine, Russie ou Iran ». Avec seulement 400 âŹ, ces lanceurs dâalerte ont crĂ©Ă© le cauchemar de tout journaliste : un systĂšme de propagande 100% automatisĂ© et autonome grĂące Ă lâIA, sous la forme dâun mĂ©dia web du nom de CounterCloud.
Comment ça marche ?
Le fonctionnement de CounterCloud est simple : un programme informatique est branchĂ© en permanence sur les contenus de RT et Sputnik, des mĂ©dias de propagande russe. GrĂące Ă lâIA, seuls les articles politiques passent le premier filtre. On demande ensuite Ă ChatGPT de comprendre quels arguments sont utilisĂ©s, avant dâĂ©crire des contre-articles soutenant la ligne politique pro-Joe Biden et pro Parti dĂ©mocrate amĂ©ricain. Ce choix nâest pas un hasard : il montre quâil est possible de crĂ©er des IA mĂ©diatiques de propagande suivant nâimporte quelle ligne politique. Pour ajouter un aspect crĂ©dible, les articles sont signĂ©s par des faux profils cohĂ©rents. Tout cela sans intervention humaine extĂ©rieure, toutes les Ă©tapes sont gĂ©rĂ©es par le programme informatique.
Câest quoi le but ?
Rassurez-vous, Neapaw ne semble pas (a priori) avoir dâintentions malveillantes. Par exemple impossible pour mon oncle de partager les articles frĂ©nĂ©tiquement sur Facebook, car CounterCloud est une expĂ©rimentation, on ne peut y accĂ©der quâen demandant lâautorisation par mail. Neepaw apparaissent comme des lanceurs dâalerte : le but est de prĂ©venir des risques autour de la dĂ©sinformation, auxquels sâexposent nos sociĂ©tĂ©s si les outils dâIA ne sont pas rĂ©gulĂ©s. Dans une vidĂ©o YouTube, ils dĂ©taillent tout leur modus operandi : comment les barriĂšres de ChatGPT censĂ©es empĂȘcher ce type dâutilisation ont Ă©tĂ© contournĂ©es, comment connecter une IA de gĂ©nĂ©ration dâimage pour produire une illustration de lâarticle. Et tout simplement comment faire Ă©crire ChatGPT comme un journaliste.
Doit-on craindre la multiplication de ce genre dâIA de propagande ?
LâefficacitĂ© de CounterCloud est saisissante. Les arguments de propagande sont percutants mĂȘme si parfois mensongers, et mĂȘme pour un Ćil entraĂźnĂ© impossible de repĂ©rer quâaucun humain nâest intervenu dans lâĂ©criture des articles. Mais CounterCloud est loin dâĂȘtre parfait. Les images dâillustration sont parfois complĂštement dĂ©formĂ©es, certaines phrases Ă©crites nâont aucun sens, et il arrive que lâIA sâembrouille et Ă©crive par erreur des articles anti-Biden. Mais Neapaw met en garde : une simple petite Ă©quipe Ă©ditoriale humaine relisant le contenu aurait permis dâĂ©viter les petites erreurs restantes, et arriver Ă un contenu encore plus efficace. Un ajout que des acteurs ayant plus de moyens nâhĂ©siteront pas Ă faire.
Ăcrit par JosuĂ© Toubin-Perre
Meta lance un abonnement payant pour « contourner » la législation européenne
Vous lâavez forcĂ©ment vu en ouvrant Facebook ou Instagram ces derniers jours : vous pouvez dĂ©sormais souscrire un abonnement Ă partir de 10 euros par mois pour Ă©viter la publicitĂ©. Le signe dâune bascule vers le modĂšle du tout payant, comme X (ex-Twitter) ? Câest tout le contraire : Meta veut se mettre (enfin) en conformitĂ© avec le RGPD, le rĂšglement europĂ©en qui impose un « consentement Ă©clairĂ© » pour lâusage des donnĂ©es personnelles. Le groupe fait le pari que ses utilisateurs vont choisir la gratuitĂ©, en acceptant de continuer Ă livrer leurs donnĂ©es personnelles pour le ciblage publicitaire. « Soit tu payes 120 euros par an, soit tes donnĂ©es sont aspirĂ©es », voilĂ le « consentement » Ă la sauce Meta. Reste Ă savoir si la justice europĂ©enne, qui a dĂ©jĂ condamnĂ© plusieurs fois le groupe, voit les choses du mĂȘme Ćil.
Shayan Sardarizadeh, le fact-checker quotidien du conflit israélo-palestinien
Depuis le 7 octobre, le journaliste de la BBC Shayan Sardarizadeh recense quotidiennement les fausses images et vidĂ©os du conflit entre le Hamas et IsraĂ«l. Un travail colossal contre la propagande de guerre, menĂ© sous la forme de fils twitter aux centaines de milliers de vues. Sa derniĂšre trouvaille ? Une vidĂ©o censĂ©e montrer les forces israĂ©liennes ouvrant le feu Ă lâintĂ©rieur de lâhĂŽpital gazaoui dâAl-Shifa, tournĂ©e en fait dans un hĂŽpital Ă©gyptien en 2013. Deux rĂ©cits conspirationnistes trĂšs relayĂ©s lâinquiĂštent particuliĂšrement : IsraĂ«l aurait tuĂ© ses propres civils le 7 octobre et les victimes palestiniennes seraient des acteurs simulant leurs blessures.
En grande difficulté, le Washington Post veut innover pour se relancer
Dix ans aprĂšs son rachat par Jeff Bezos, le Washington Post accuse un dĂ©ficit de 100 millions de dollars. Depuis 2021, les recettes publicitaires ont fondu (-30%), les abonnements numĂ©riques aussi (-15%). 240 journalistes devraient partir et un nouveau PDG, Will Lewis, a Ă©tĂ© nommĂ©. Pour redresser la barre, le « Post » mise sur le dĂ©veloppement de lâIA, avec un chatbot pour rĂ©pondre aux lecteurs, synthĂšse documentaire automatisĂ©e et titres auto gĂ©nĂ©rĂ©s. Autre source dâinspiration : son rival historique, le New York Times. Pour fidĂ©liser ses 10 millions dâabonnĂ©s - contre 2,7 pour le Washington Post - le New York Times a su crĂ©er une offre de service numĂ©rique ultra large : Wirecutter (conseil dâachat), The Athletic (actu sportive), Games (jeux) et Cooking (la cuisine).
Ăcrit par Christian Mouly
Infographie réalisée par Thibault Linard
Et pour finirâŠ
On vous recommande chaudement dâaller checker la nouvelle newsletter de BBC news sur les enjeux environnementaux, Future Earth.
Mais surtout de visionner la nouvelle Ă©mission de M6, « Un chef au bout du monde », oĂč Philippe Etchebest sort de ses cuisines pour aller dĂ©couvrir dâautres saveurs et dâautres cultures. On espĂšre que la mayonnaise prendra !